Cancer de la prostate : la surveillance active

Principes et intérêts de la  surveillance active

La surveillance active est une option de traitement du cancer de la prostate. Elle s’adresse à des cancers peu agressifs.

Le dépistage individuel du cancer de la prostate, les progrès du diagnostic précoce, permettent aujourd’hui le diagnostic d’un cancer de la prostate à sa phase débutante.

Les outils que sont le toucher rectal, le dosage du PSA, l’imagerie par résonance magnétique ( IRM) font diagnostiquer le  cancer à sa phase très précoce.

La technique de réalisation des biopsies prostatique a également changé. Elles  sont aujourd’hui très performantes et peuvent se réaliser sous anesthésie locale.

Le dosage de PSA fait l’objet de nombreuses polémiques principalement en raison de l’absence de valeur seuil. La norme varie généralement de 2,5 à 4 ng par millilitres (parfois 6) en fonction des méthodes de dosage. C’est pourtant un outil essentiel qui a permis de faire chuter le nombre de cancer diagnostiqués à un stade métastatique de 90 à moins de 5%. Il n’y a pas d’équivalent dans l’histoire de la médecine.

L’utilisation du PSA doit tenir compte de plusieurs paramètres :

  • la  valeur Du PSA total
  • la cinétique c’est-à-dire l’augmentation du taux sur des dosages successifs
  • la densité du PSA c’est-à-dire le rapport de la valeur avec le poids de la prostate (schématiquement 10g de prostate peuvent donner jusqu’à un point de PSA)
  • le rapport du PSA libre sur le PSA total

L’apport de l’I.R.M. est une donnée récente. Son intérêt est double : d’une part c’est un moyen d’imagerie et d’autre part, on observe la façon dont les ondes diffusent dans les tissus : c’est le coefficient de restriction de la diffusion. De ces deux éléments résulte une classification dite de de PIRAD qui va de 1 à 5. Au-delà de trois, cela nécessite une attention particulière et  souvent la réalisation de biopsies prostatiques.

Les biopsies prostatiques consistent en des prélèvements de la prostate par carottes de très petites dimensions. Elles sont guidées par un contrôle échographique, parfois associé à un couplage de l’imagerie par I.R.M. (fusion d’image).

Elle se déroulent sous anesthésie locale, en soins externes.

La réponse attendue des biopsies ne se résume pas au seul diagnostic positif ou négatif de cancer.

Une véritable cartographie de la prostate est réalisée à l’occasion des biopsies permettant de déterminer précisément la localisation du cancer, la longueur de tumeur sur chaque carotte prélevée et le degré d’agressivité (score de gleason).

Ainsi, la décision de l’urologue et de l’équipe pluridisciplinaire qui l’entoure (RCP) dépend des paramètres suivants : l’examen de la prostate par le toucher rectal, l’interpretation du taux de PSA, de sa cinétique, l’imagerie par I.R.M. (idéalement réalisée avant la biopsie) et l’analyse précise du résultat des biopsies prostatiques.

Ainsi on détermine le type de cancer.

Il n’y a pas un seul cancer de la prostate mais plusieurs types différents. On peut ainsi classifier schématiquement le cancer de prostate en trois catégories : les cancers à faible risque évolutif, les cancers à risque évolutif moyen et les cancers agressifs.

Jusqu’à 30 à 40 % des nouveaux diagnostics de cancer de prostate correspondent à des cancers  peu agressifs pour laquelle l’option de traitement consistant en une surveillance active peut-être proposée.

Le principe est de surveiller l’éventuelle évolution du cancer tout en restant dans une fenêtre permettant la guérison, si ont constatait  une forme de progression. L’intérêt pour le patient étant d’éviter le recours à un traitement curateur avec les risques urinaires et sexuels qui sont inhérents à l’intervention chirurgicale (prostatectomie) et aux traitements de radiothérapie qui sont les options reconnues et validées comme  traitements curateur du cancer de prostate.

Dans ces  formes de cancer peu agressif, on estime le risque de progression vers une maladie métastatique à moins de 3%.

La probabilité pour un patient de rester en surveillance après cinq ans varie de 59 à 67%.

La validité de cette option a été confirmé par plusieurs études prospectives certaines ayant maintenant un long suivi.

L’étude PIVOT* a comparé sur plus de 700 patients, le devenir de patients traités par chirurgie (prostatectomie totale) comparé aux patients surveillés. À 10 ans l’étude n’a pas mis en évidence de différence de survie entre ces deux groupes. Une étude suédoise (SPCG-4**) À confirmée en partie ces données .En démontrant toutefois l’intérêt de l’intervention chirurgicale chez les patients ayant des critères pouvant faire suspecter une forme plus agressive.

* Wilt TJ, Brawer MK, Jones KM, Barry MJ, Aronson WJ, Fox S et al. Radical prostatectomy versus observation for localized prostate cancer. N Engl J Med 2012;367(3);203-13.

** Bill-Axelson A, Holmberg L, Garmo H, Rider JR, Taari K, Busch C, et al. Radical prostatectomy or watchful waiting in early prostate cancer. N Engl J Med 2014;370(10);932-42.

Les critères pour la surveillance active :

C’est bien sur le  point fondamental pour pouvoir faire l’objet d’une telle option de traitement.

Il n’y a pas d’unanimité sur les critères d’inclusion par contre les principes fondamentaux suivants sont admis par les différentes sociétés savantes d’urologie et de cancérologie.

Tous les critères doivent être réunis:

  • Un toucher rectal normal.
  • Un taux de PSA inférieur à 10 est où une cinétique faible.
  • Un nombre restreint de carottes biopsique positive (3 maximum )
  • Un score d’agressivité cellulaire faible (le plus souvent gleason 6)
  • Une I.R.M. jugée normale ou avec un volume cible restreint, pas d’atteinte de la capsule prostatique ni des vésicules séminale ou d’extension ganglionnaire.

La réalisation d’une deuxième série de biopsies

Un point essentiel est la réalisation d’une deuxième série de biopsies dans un délai variant de trois à 24 mois après le diagnostic initial. L’objet de cette deuxième série de biopsies est de vérifier d’une part que l’on ait pas sous-estimé le volume tumoral initial ou son agressivité, et d’autres part de s’assurer de l’absence de progression. C’est un point tout à fait fondamental.

Accepter le principe d’un suivi régulier

L’autre point fondamental est d’accepter le principe d’un suivi régulier : réaliser un PSA tous les trois à six mois, un examen clinique de la prostate tous les six à 12 mois et une I.R.M. chaque fois qu’elle serait jugée  nécessaire.La pratique de nouvelles biopsies prostatique au cours de la surveillance n’est pas systématique, (une fois la deuxième série de biopsies réalisé). Elles peuvent toutefois être indiquée par l’apparition d’un critère pouvant témoigner d’une progression de la maladie.

Il faut donc pour cela accepter psychologiquement l’idée de cette surveillance et ce, sur de nombreuses années. Un tiers environ des patients qui sortent de la surveillance le sont pour des critères psychologiques.

Quels sont les résultats de la surveillance active ?

Le maintien du patient dans la surveillance active est conditionnée par la stabilité de sa situation. À savoir un dosage de PSA peu évolutif, l’absence d’apparition d’un nodules ou d’une zone d’induration au toucher rectal par  l’examen physique de sa prostate. L’absence d’évolution de son imagerie par I.R.M.

Cela nécessite une surveillance non seulement étroite mais également durable dans le temps, à savoir pendant de nombreuses années.

Les études scientifiques le démontrent bien.

Ainsi, le plus long suivi médian étudié  avec les critères actuels est de 6,4 ans (série de Toronto*) avec moins de 3% de risques de progression vers  une maladie métastatique.

Morash C, Tey R, Agbassi C, Klotz L, McGowan T, Srigley J, et al. Active surveillance for the management of localized prostate cancer: guideline recommendations. Can Urol Assoc J 2015;9(5-6):171-8

Il faut toutefois être parfaitement conscient que seul  59 à 67% des patients (en fonction des études ) resteront  en surveillance active au terme de cinq ans. Cela veut donc dire qu’un nombre significatif de patients devront aller vers une option de traitement curatif. Cela nécessite donc une parfaite compréhension de la surveillance et une acceptation d’un suivi étroit pour ne pas risquer une perte de chance en terme de survie.

L’analyse des dossiers  des patients sortis de la surveillance et étant allés vers une option de traitement curateur semble ne pas montrer de perte de chance. À savoir que les tumeurs n’étaient pas plus évoluées, ni que leurs observations au long terme n’aient démontré un risque accru de reprise évolutive de la maladie cancéreuse.

Quels sont les critères de sortie de la surveillance active ?

L’objet même de la surveillance active comme option de traitement est de proposer une surveillance tout en maintenant des chances intactes de survie.

Il est donc tout à fait important d’être très attentif aux critères de la surveillance.

L’apparition d’une augmentation confirmée du PSA, d’une anomalie au toucher rectal, ou d’une modification de l’I.R.M. doivent  conduire à la réalisation d’une nouvelle série de biopsie prostatique:

  • L’existante d’un volume supposé tumoral  plus important est déterminé par le nombre de carottes positives ou la longueur tumorale sur chaque carotte.
  • On considère également le score d’agressivité cellulaire et l’apparition d’un grade 4 (la classification va de trois à cinq) signifie que la tumeur est devenue plus agressive .

Dans ces conditions, il convient alors de proposer aux patients de sortir de l’option de traitement que constitue la surveillance active pour aller vers une option de traitement curateur.

De 30 à 40% les patients sortent ainsi de la surveillance soit en raison d’une progression de la tumeur soit pour des raisons psychologiques comme nous l’avons  expliqué

Conclusions

La surveillance active doit donc comme nous l’avons vu etre considérée comme une option de traitement et non pas comme un renoncement à une prise en charge d’un cancer considéré comme de faible dimension ou peu agressif.

Cette option de traitement nécessite une parfaite information du patient et, au même titre qu’un traitement, son consentement notamment écrit.

Le suivi doit être strict, parfaitement défini avec le patient et si l’on peut dire ne commence réellement qu’après la réalisation de la deuxième biopsie de confirmation.

Celle-ci comme nous l’avons vu permet d’apprécier avec plus de précision encore le volume et la nature présupposée de la tumeur.

Si les critères d’inclusion sont bien respecté la surveillance active est une option intéressante pour les patients chez lesquels on suppose une forme peu agressive ou de faible dimension de leur tumeur. Il faut néanmoins être bien conscient qu’au moins un tiers des patients ne pourront pas suivre sur le long terme cette option de traitement et devront être orientés vers une option curatrice.

L’inclusion du patient dans le protocole de traitement de la surveillance active nécessite de la part de l’urologue de s’assurer que le patient a parfaitement compris les enjeux et accepte de se soumettre à un suivi régulier.

Ces  cancers  de la prostate jugés initialement peu agressifs, ont une évolutivité supposée lente. Scientifiquement, les résultats de cette option de traitement ne sont observables qu’après un minimum de cinq ans de suivi.

L’intérêt principal de cette option de traitement est d’éviter les possibles  risques urinaires et sexuels  des autres traitements curateurs que sont l’intervention chirurgicale et les techniques de radiothérapie.

Tout l’enjeu est de maintenir une qualité de vie  conservée sans perte de chance de survie face au cancer.

Les recommandations françaises du comité de cancérologie de l’AFU